Mémoires d’une Geisha – Arthur Golden

Alors que j’en rêvais depuis des années, j’ai enfin pu lire Mémoires d’une Geisha de Arthur Golden. Je n’aurais qu’un mot : wow.
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Yoroido : un modeste village de pêcheurs dans le Japon des années trente. La petite Chiyo-chan y coule une enfance pauvre mais heureuse entre ses parents et sa grande soeur, Satsu. Mais un cancer ronge en silence les os de sa mère, sur le point de mourir. Le père est si vieux et déjà si perdu qu’il accepte la proposition de M. Tanaka. Les deux jeunes filles partent bientôt pour Kyoto, parmi d’autres enfants vendus. Chiyo-chan est si belle avec ses yeux d’eau « comme si quelqu’un y avait percé un trou et que l’encre avait coulé » qu’on l’emmène dans une école de geishas. Elle deviendra Sayuri, l’une des geishas ou courtisanes les plus appréciées de la ville, excellant dans l’art du chant, de la danse et de l’amour, maîtrisant parfaitement la science de la toilette et du thé. 
Erreur ou pas, j’avais vu le film adapté du roman avant la lecture, et finalement… tant mieux ! Le film m’a laissé peu de souvenirs, quelques bribes seulement, avec une envie irrésistible de découvrir l’oeuvre littéraire. Si la plupart du temps, l’adaptation me « bloque » car elle me donne d’emblée l’image d’un personnage par l’acteur qui l’incarne, cette fois-ci, aucune gêne : les acteurs ne m’ont pas davantage marquée, je pense même que je serai incapable de les reconnaître si je les voyais dans un autre film. Ce qui a laissé libre cours à mon imagination face aux descriptions des personnages, amusantes parfois, peu ragoutantes d’autres fois.
Voilà un livre qui m’a particulièrement touchée. La naïveté de Chiyo-chan face aux événements qui se déroulent dans sa vie, que je qualifierai, au final, d’insouciance à chaque fois, émeut. La petite fille traverse plusieurs tragédies, et encaissent presque sans broncher, avec pour seule idée de trouver sa place dans ce monde, loin de sa « maison ivre ». Sa détermination, son intelligence, son audace, sont autant de qualités qu’il est plaisant de trouver. Même si les geishas sont célèbres, leur succès reste glauque, quand on sait ce qu’elles faisaient réellement, et pourquoi elles en devenaient. Comme beaucoup, je pense, je ne connaissais les geishas que de nom, avec cette image d’une femme sublime, au maquillage outrancier mais parant sa porteuse d’un charme certain. De vraies poupées
Malgré cette insouciance dont je parlais, on se rend compte que Chiyo-chan apprend vite, s’adapte vite, et son intelligence lui permet finalement d’arriver là où elle le souhaite, plus ou moins, même si on ne peut s’empêcher de penser qu’elle aurait pu s’échapper : mais le voulait-elle vraiment ? J’ai trouvé qu’il y avait une certaine dualité dans le personnage de Chiyo-chan, à la fois effrayée du monde dans lequel on la plonge, à contre-coeur, mais finalement excitée à en faire partie et à devenir l’une de ses figures emblématiques. Peut-être parce que, dans le fond, elle reste Chiyo-chan, mais devient à la fois Sayuri, grande geisha de Gion.
Certains passages de la vie de Sayuri m’ont « dégoûtée », un sentiment de révolte m’habitait, sachant pertinemment qu’il ne s’agissait là que de fiction… mais une fiction historique. Malheureusement, ce roman nous décrit des pratiques bien réelles, à l’époque, sans doute encore aujourd’hui dans des contextes certes différents, mais dont le fond ne varie pas. Femme-objet, convoitée pour sa beauté, sa jeunesse, sa virginité… Les descriptions permettent de donner cette sensation d’être possédé, de ne pas être maître de soi, et ça en est déroutant. L’écriture est agréable, les mots sont justes et substituent le lecteur au personnage principal de l’histoire. De nouveau, une dualité s’installe : le lecteur ne souhaite pas vivre ces désagréments, mais c’est une maîtrise que de faire vivre au lecteur ce qu’il lit. En tout cas, un très bon point pour moi.
Ayant toujours eu une fascination pour le Japon, ses us et coutumes, je suis ravie d’avoir pu découvrir ce roman. Il sera le premier d’une série de quelques-uns, conseillés, trouvés par-ci par-là, pour découvrir au fil des lectures la culture du pays du soleil levant.