J’ai longtemps hésité avant de publier mon avis sur ce livre, mais, après tout, c’est mon opinion et chacun est libre de le partager ou non. Un livre offre sa lecture à un public divers et varié, il est donc naturel d’avoir des lecteurs convaincus, et d’autres qui ne le sont absolument pas. Et c’est parti !
Ce livre m’a été offert par ma belle-soeur, fan de cet auteur dont j’entendais le nom mais que je n’avais encore jamais lu. J’ai vu passer bon nombre de critiques sur ses écrits, et j’ai donc saisi l’occasion pour me faire ma propre opinion. Une chose est sûre : ce roman ne m’a pas laissée indifférente.
Paris, ville des lumières, nous sommes le Vendredi 13 novembre 2015. L’air est encore doux pour un soir d’hiver. Tandis que les Bleus électrisent le Stade de France, aux terrasses des brasseries parisiennes on trinque aux retrouvailles et aux rencontres heureuses. Une ceinture d’explosifs autour de la taille, Khalil attend de passer à l’acte. Il fait partie du commando qui s’apprête à ensanglanter la capitale.
Qui est Khalil ? Comment en est-il arrivé là ?
Non loin de qualifier ce livre de chef-d’oeuvre, je ne peux pas nier que ce livre bouscule, dérange, et pas nécessairement dans un mauvais sens. On découvre la vie de Mr-tout-le-monde, ou presque, Khalil, alors en voiture accompagné de ses « frères ». Les éléments nous sont donnés au compte-goutte. Jusqu’à ce que le lecteur comprenne que Khalil est en réalité un kamikaze, en route vers la capitale pour l’embraser, alors que le stade de France vibre. Nous sommes en Novembre 2015, et nous savons toutes et tous ce qui nous attend dans cette lecture. Etonnamment, j’ai voulu poursuivre, curieuse malgré tout de savoir où l’auteur allait m’emmener. Bernard Werber dit dans certains de ses livres que l’Histoire nous est toujours contée par les vainqueurs, mais nous ne connaissons jamais la version de l’Histoire du côté des vaincus. Bien que ces termes ne se prêtent pas ici, l’idée est là : Yasmina Khadra prend le parti de nous raconter les faits du point de vue des terroristes, et de faire de Khalil une espèce de porte-parole improvisé. Il faut être fou, ou sûr de soi, pour aborder un thème aussi touchy que celui-ci.
Ce qui peut déranger, ce qui dérange sans doute, c’est de voir le portrait dressé d’un homme presque comme vous et moi, à la seule différence qu’il ne partage pas les opinions communes, bien au contraire. L’auteur cherche-t-il à le rendre sympathique à nos yeux ? Je ne le pense pas. Est-ce qu’il banalise les choses ? Non plus, ce n’est en tout cas pas mon ressenti. En revanche, Khalil devient l’image d’un homme ou d’une femme enrôlé dans la pensée extrémiste, qui suit ses convictions, et est prêt à mourir pour elles. Ce Khalil a des parents, des frères, des soeurs, des oncles, des tantes, des amis… Et le lecteur s’identifiera sans doute plus facilement à certains de ces personnages, partageant le point de vue défendu, partageant l’incompréhension et le mépris (même si je ne suis pas persuadée que ce terme convienne réellement) vis-à-vis des actes de Khalil. Réellement, je le répète, c’est dérangeant.
Pour autant, l’auteur semble rester impartial : différents points de vue sont exprimés, défendus, sans pour autant chercher à lancer un débat houleux. Je crois que le lecteur est simplement amené à être témoin, à entendre les faits, aussi bien de son « parti pris » que de celui de Khalil. En fait, ce que j’ai ressenti, c’est avant tout un auteur qui ne cherche pas à juger.
« On ne juge pas, on ne condamne pas.
– Tu veux le défendre après ce qu’il a fait ?!
– On ne juge pas. »
Je ne sais pas où placer ce livre, mais ce qui est sûr, c’est qu’il emmène le lecteur à sortir d’une zone de confort, et briser un silence qui peut peser sur des sujets aussi sensibles que celui-là. Peut-on oser parler d’un Placere et Docere d’Horace ? Ce livre ne sera pas une lecture fictionnelle détente, mais plutôt un livre qui apportera à réfléchir de façon plus poussée peut-être sur un des maux de ce monde.